« Binge drinking » et risque hépatique

[Diffusé le 14-02-2017]

Source : Hepato-Gastro 2016; 23(10): 976-82

Louvet Alexandre *, Rolland Benjamin

Hôpital Huriez, service des maladies de l’appareil digestif, Rue Polonovski, 59037 Lille cedex, France

* Tirés à part

Risque hépatique : le « binge drinking » mis en cause

Article commenté par : L'équipe éditoriale AddictoScope

La pratique du « binge drinking » (mode de consommation consistant à boire de l’alcool ponctuellement, le plus rapidement possible et en grandes quantités) est en augmentation dans plusieurs pays occidentaux, notamment chez les jeunes adultes, et est particulièrement fréquente au Royaume-Uni et en Europe du Nord.

Si les effets aigus du « binge drinking » sont bien connus (ivresse aiguë avec son lot de violences, d’accidents de la route, et d’augmentation du risque cardiovasculaire…), les effets chroniques du « binge drinking » sont en revanche bien moins étudiés. Ainsi, bien que la démonstration formelle de la toxicité hépatique du « binge drinking » n’ait pas été établie par des arguments épidémiologiques et cliniques forts, des éléments indirects et des études expérimentales suggèrent un risque significatif de développement de lésions hépatiques (inflammation, stéatose, altération de la fibrogénèse, etc …) pouvant même conduire à la cirrhose hépatique. La constitution de cohortes prospectives dédiées devra confirmer ou infirmer la toxicité hépatique au long cours du « binge drinking »

Enfin, il apparait important de sensibiliser – notamment les jeunes – et limiter l’accès facile à l’alcool en augmentant les taxations sur les ventes. La taxation des boissons alcoolisées reste, en effet, la mesure la plus efficace pour limiter l’apparition des comportements de « binge drinking ». Parmi les autres mesures, l’intervention brève (une pratique multidisciplinaire impliquant des spécialistes en addictologie, hépatologie, santé publique et épidémiologie) a démontré son efficacité dans la réduction de la consommation d’alcool, mais resterait moins efficace chez les étudiants qu’à l’échelle de la population générale.

Résumé

Le « binge drinking » (que l’on peut définir simplement par « boire trop et trop vite ») est une pratique hétérogène qui recouvre en réalité plusieurs situations de consommation allant de l’ivresse aiguë des soirées étudiantes à la consommation trop importante chez des sujets ayant une consommation excessive et chronique d’alcool. Cette pratique est fréquente dans les pays occidentaux, notamment au Royaume-Uni et en Europe du Nord. Les effets aigus du « binge drinking » sont bien établis et sont ceux de l’ivresse aiguë (violences, accidents de la route, risques cardiovasculaires…). En revanche, les risques hépatiques sont mal étudiés chez l’homme et les données suggérant une toxicité hépatique reposent essentiellement sur des études anciennes de cohorte. Expérimentalement, le « binge drinking » favorise l’inflammation, la stéatose, la fibrogenèse, etc. Il existe des arguments indirects pour penser que ce type de consommation favorise la survenue d’une cirrhose. Même si les arguments scientifiques solides manquent, il est important de sensibiliser la population – notamment les jeunes – aux risques du « binge drinking » et limiter l’accès facile à l’alcool en augmentant les taxations sur les ventes. Le conseil et l’information sont également des éléments centraux de la prise en charge, en se fondant notamment sur l’intervention brève. Une attention particulière doit être portée à cette pratique responsable de 100 000 admissions en milieu hospitalier par an en France, en impliquant les spécialistes en addictologie, en hépatologie, en santé publique et en épidémiologie.

Abstract

Binge drinking (which can be defined as « drinking too much too fast ») is a heterogeneous practice that covers different patterns of alcohol consumption from acute drunkenness in students to acute excessive drinking in chronic heavy alcohol consumers. This condition is frequent in Western countries, especially the United-Kingdom and Northern Europe. The acute consequences of binge drinking are, like acute drunkenness, well known (violence, traffic accidents, cardiovascular risk…). However, the risks to the liver have not been extensively studied in humans and data showing hepatic toxicity are mainly based on old cohort studies. In experimental studies, binge drinking leads to inflammation, steatosis, activation of fibrogenic pathways, etc. There are some indirect data suggesting that binge drinking may lead to cirrhosis. Even if strong scientific results are still lacking, it is highly important to increase awareness in the general population and especially young people on the risks of binge drinking and to limit easy access to alcohol by increasing taxes on alcoholic beverages. Counseling and information are also key elements in particular with brief interventions. Specific attention must be paid to this condition which is responsible for 100,000 hospital admissions per year in France, by involving specialists in addiction, hepatology, public health and epidemiology.

Mots clés: intoxication alcoolique aiguë, cirrhose, ivresse, hépatotoxicité.

Keywords: intoxication alcoolique aiguë, cirrhose, ivresse, hépatotoxicité.


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