Qui sont ces ados qui consomment ?

[Diffusé le 06-03-2018]

Auteur : Dr Véronique Vosgien


L’enquête ESCAPAD 2017 met sans doute en avant le résultat de la mise en place de certaines politiques de santé publique qui aujourd’hui donnent des améliorations certes modérées mais certaines en terme de consommations des adolescents. Créé en 2000, ce questionnaire permet d'étudier l’évolution des consommations sur 17 ans. En 2017, 46000 jeunes de 17 ans ont répondu à celui-ci.

Ces données peuvent être corrélées aux résultats de l’enquête ARAMIS (Attitude Représentation Aspiration et Motivation lors de l’Initiation aux Substances psychoactives faite entre 2014 et 2017 auprès de 200 mineurs de 13 à 18 ans).

Les trois principaux produits (alcool, tabac et cannabis) voient ainsi leur consommation évoluer.

Le tabac a vu son nombre d’expérimentateurs fléchir pour arriver aujourd’hui au taux le plus bas de ces deux dernières décennies (DE 80% en 2000 à 59% en 2017). Sa consommation quotidienne reste quant à elle stable. L’image du tabac a changé auprès de cette génération directement impactée par la loi HPST et la loi EVIN : il véhicule des images péjoratives : mauvaise odeurs, maladie, mort. Son expérimentation est vécue comme un rite de passage obligatoire et symbolise une domestication de sa propre peur. Il a l’image du compagnon du quotidien mais cette consommation n’est plus du tout valorisée sauf peut-être chez les plus favorisés (prestige social)

L’alcool voit son expérimentation et son usage régulier baisser. Toujours plus masculin, l’écart de genre n’évolue pas. Les Alcoolisations Ponctuelles Importantes (API) reculent également (44 % en 2017 contre 48 % en 2014) avec diminution des API répétées (3 fois /mois) et marginalisation des API régulières (>10 fois /mois : 2.7%) L’initiation se fait par une double expérience, celle de l’enfance en famille, un peu forcée, subie et peu agréable et celle faite avec des amis, volontaire et festive. L’alcool est fortement associé à la fête, vrai carburant ou moteur de celle-ci.  Le déni, par cette classe d’âge, de la dangerosité de l’alcool, reste réel pour ce produit pourtant nocif par excellence, sur le cerveau adolescent.

Cannabis. Les jeunes français restent les plus grands consommateurs en Europe de cannabis mais les chiffres sont en baisse. SI près de 40% des adolescents de 17 ans ont au moins fumé une fois, l’année 2017 voit la plus forte diminution (moins 11% par rapport à 2002 et moins 9% par rapport à 2014). De même on observe une diminution du nombre d’usagers dans l’année et d’usagers réguliers.

L’utilisation d’un outil d’autoévaluation (Cannabis Abuse Screening Test (CAST)) permet de repérer les risques de développer une consommation problématique. Sur cette classe d’âge, on l’estime à 7 ,4%, soit approximativement 60 000 jeunes de 17 ans en France. Chez les consommateurs réguliers, ¼ présentera un risque de consommation problématique ou de dépendance, chiffre en augmentation par rapport à 2014. Quant à l’âge d’initiation, s’il a augmenté pour le tabac (14.4 ans) il reste stable pour le cannabis (15.3 ans)

Il y a, pour le cannabis, de multiples contextes de consommations : plaisir solitaire ou partagé, apaisement de l’anxiété et stress, pour mieux dormir, moins souffrir, augmenter ses performances, pour rompre l’ennui et se distraire. Le cannabis est ainsi utilisé dans de multiples situations, comme régulateur.

L’herbe, du fait d’une image plus saine que la résine (pneu, goudron) est la plus utilisée. Elle  est considérée, à tort, comme naturelle, sans risque et beaucoup moins nocive que le tabac. L’argumentation autour de la non toxicité de l’herbe est aussi alimentée chez les adolescents par l’existence de cannabis thérapeutique et par les expériences de dépénalisation aux Etats Unis.

Dans l’initiation aux consommations, l’enquête ARAMIS met en évidence l’importance du contexte incitatif et de la disponibilité des produits, de la classe fréquentée et moins de l’âge, du lien entre les individus (appartenance) et  de l’entourage (regard familial) mais aussi de l'importance du vécu et la durée de l’effet. Tester ses limites, vivre des expériences aussi excitantes que ses pairs sont nécessaires; le  phénomène du ‘Fear of Missing out’, vivre et profiter tant qu’on est jeune, deviennent des croyances forte à cet âge .

L’initiation est ainsi une expérience sociale avant tout, avec des représentations souvent erronées sur les risques liés aux produits. Minimiser les risques permet d’éviter les dissonances entre ses opinions et sa pratique mais permet aussi d’alimenter une réflexion personnelle sur ses propres limites et sa capacité de contrôle.

Si les notions de contrôle et de gestion sont valorisées, méprisées sont celles de  la dépendance et de la perte de contrôle. Le psychotrope idéal est celui qui est sélectif, à effet à court terme et sans perte de contrôle.

Les ados veulent mettre en place des stratégies de réductions des risques mais en s’affranchissant des normes sociales, ils sont demandeurs de repères et de techniques d’autorégulation.

Cette étude et ces dernières données nous confortent dans notre vision d’accompagnement et de réduction de ces risques auprès des jeunes usagers. Repérer, écouter, accompagner et donner des outils et stratégies de réduction des risques, le tout renforcé par une politique de santé publique pertinente et ciblée, devrait conforter une évolution favorable des pratiques de consommation des adolescents.

 

Representation ,motivations et trajectoires d'usage de drogues à l'adolesecence Tendance decembre 2017

Les drogues à 17 ans : analyse de l'enquête ESCAPAD 2017 fevrier 2018

CAST https://www.ofdt.fr/test-CAST.pdf

Podcast Series - Sous Emprise
Noter cet article :

Ma bibliographie

Accédez à vos articles favoris, classez-les par dossiers ou encore exportez-les sous format ENDNOTE !


Rechercher

Besoin d'aide ?
Recherche avancée
Recherche par revues
798 articles actuellement disponibles
A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z | 0-9
Recherche par rubriques