Prévention

[Diffusé le 05-03-2019]

Auteur : Dr Véronique Vosgien


« Tout est affaire dans la vie de modération, de prudence, d'opportunité, de mesure, de doigté, de flair et de prévoyance. Il faut prévoir l'imprévu, se tenir sur ses gardes, c'est-à-dire rester assez loin des zones dangereuses. »
Jean Dutourd ; Les horreurs de l'amour (1963)

 Le plan national de mobilisation contre les addiction 2018-2022 publié par la MILDECA comprend trois axes dont le premier concerne la prévention

S’il veut toucher tous les usagers, il s’oriente principalement vers les plus jeunes.

POURQUOI PREVENIR ?

Ne pas prévenir ces comportements, c’est aggraver les dommages liés aux consommations tant sur le plan sanitaire, familial, communautaire que sur le plan économique ;

Les canadiens ont calculé qu’une initiative de prévention en addictologie présenterait à elle seule un ratio coût avantage de 37 .1

Si on admet que   la prévention a un coût, elle permet une économie en frais de santé substantielle et permet une réduction de la morbi mortalité. 

Pourtant les sommes investies en prévention restent minimes et souvent mal réparties.

POURQUOI LES JEUNES ?

La période de la « jeunesse » se caractérise par de nombreux changements et développements neuropsychologiques. Maturité neurologique évolutive, maturité des systèmes de récompense, de la motivation et de l’impulsivité mais immaturité du contrôle du risque, entraînent plus facilement les jeunes à prendre des risques et à consommer des substances psychoactives.

Enquête Escapad 2017 :

14 ans, âge moyen d’expérimentation du tabac, 13 ans pour l’alcool, 15 ans pour le cannabis

50 % des jeunes de 17 ans déclarent avoir eu une alcoolisation ponctuelle importante (API) dans le mois précédent.

C’est donc bien chez les plus jeunes que la prévention doit commencer, bien avant les premières expérimentations. Tout le monde s’accorde sur ces constats

POURQUOI est-il si difficile de la mettre en place et de la développer ?

C’est toujours et surtout aux professionnels de démontrer la place primordiale de la prévention dans le champ des addictions par la proposition d’outils structurés, structurants, évaluables et de promouvoir des actions durables, concertées et multi-professionnelles.

En France l’action publique concernant la prévention des addictions se catégorise donc en 4 niveaux complémentaires : Prévention grand public –universelle, Prévention de proximité collective ou individuelle, Intervention précoce et ETP et réduction des risque

Les actions grand public si elles sont nécessaires ne sont pas efficaces si elles ne sont pas suivies d’initiatives territoriales adaptées à chaque groupe de population. Cela ne peut que passer par un partenariat durable.

La prévention montre une efficacité prouvée lorsqu’elle est concertée entre différents secteurs et qu’elle est intégrée et soutenue, et lorsqu’elle associe messages médiatiques et programmes préventifs mobilisant les écoles, les collectivités et les familles.

Les messages médiatiques de grand public doivent s’associer également à des messages ciblés utilisant les médias des jeunes.

S’il faut tenir compte des âges, il le faut aussi des sous-groupes particulièrement vulnérables : les Jeune LGBT  dans la rue ou les fugueurs, ceux placés ou suivis par l’aide sociale à l'enfance, ceux ayant des comorbidités psychiatriques, ceux ayant subi des violences et violences sexuelles et bien entendu les jeunes migrants.

A chaque groupe, des actions de prévention spécifiques adaptées seront nécessaires.

 

La stratégie doit être axée sur les facteurs de risque et de protection des jeunes avant qu’ils ne commencent à consommer. Connaître et rechercher ces facteurs sont primordiaux en terme de prévention.

Ces facteurs de risque semblent universels (Rue – fugue – placement - troubles psychiatriques…) mais sont potentiellement atténués par des facteurs de protections (implication dans la vie scolaire – relations positives avec des adultes bienveillants – soutien des amis) amenant une meilleure adaptation et donc moins de recours au produit … Ne dit-on pas que l’addiction est une façon de s’adapter !

 

A partir de ces constats, il est temps de mettre en place des actions de préventions efficaces

Une métanalyse canadienne montre que les plus efficaces sont celles qui font appel aux approches de divers modèles et sur une longue période.

Les actions ponctuelles et surtout celles voulant faire peur et interdire ne montrent aucune efficacité.

Celles  qui semblent pertinentes sont des actions spécifiques, à la carte, selon le public, l’environnement et les partenaires , qui s’appuient sur la capacité des jeunes en développement à résister aux drogues ou à l’influence des pairs, qui visent à renforcer la capacité d’adaptation pour composer avec les évènements de vie stressants , qui réduisent les facteurs de risque, renforcent les facteurs de protections , sortent du discours moralisant et négatif sur les drogues, augmentent la connaissance des jeunes sur les drogues et leurs méfaits et cela dès le plus jeune âge (information adaptée et neutre) afin d’éviter les  attitudes positives à l’égard  des drogues (USA Brain Power), axées sur les habilités et aptitudes sociales , qui utilisent des programmes d’entretien motivationnel et des interventions familiales et aussi des programmes évalués et validés.

Les professionnels de terrains chacun dans leur domaine, ont des idées plein la tête pour mettre en place ces actions de prévention.

S’il leur est demandé des actions spécifiques, évaluables, durables et prouvées, espérons que les pouvoirs publics leur donneront les moyens nécessaires à la mise en place d’actions d’envergure efficaces car soutenues par des professionnels dédiés.

Le multi professionnalisme et la multidisciplinarité nécessaires impliquent une bonne coordination qui doit être valorisée.

Dès le plus jeune âge, la protection des enfants doit être renforcée, bien avant l’apparition d’une addiction. Cela concerne autant la justice, la santé, l’Aide sociale à l’enfance, l‘éducation nationale et l'enseignement supérieur que la politique de la ville. Des programmes locaux de prévention, associant toutes ces institutions, intégrant les familles et la société civile devraient pouvoir être financés spécifiquement.

Une prévention dès l’enfance efficace peut nous faire espérer des adolescents plus sereins, forts de leurs compétences sociales et des adultes adaptés dans une société que l’on dit addictogène .

« On croit avoir oublié parce qu'on n'y pense plus mais rien ne s'efface jamais des lieux de la jeunesse, ni les images, ni les couleurs  Jean-Michel Guenassia « La vie rêvée d’Ernesto g. »

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